Depuis près d’un an, je mets en garde contre les dangers pour les fabricants de montres de produire en excès dans un marché en baisse, poussant les détaillants à acheter plus qu’ils ne peuvent vendre et risquant ainsi une nouvelle vague de remises et/ou de revente sur le marché gris.
Nous pouvons clairement observer cette tendance au Royaume-Uni si nous comparons la croissance des ventes au détail d’une année sur l’autre (en utilisant les données de GfK) avec les chiffres des exportations de montres suisses (de la Fédération de l’Industrie Horlogère Suisse).
J’ai tracé les deux ensembles de données sur le graphique ci-dessous, où, simplement dit, dans les mois où les exportations de montres suisses, représentées par la ligne bleue, dépassent les ventes au détail, représentées en orange, alors des stocks invendus s’accumulent dans le circuit de gros ou chez les détaillants.
Quelques mois ici ou là où ces chiffres de croissance sont déséquilibrés ne posent pas de problème s’ils sont rapidement corrigés.
Il est également inoffensif, voire positif, si les montres en rupture de stock avec de longues listes d’attente deviennent plus abondantes.
Nous pourrions même voir disparaître les redoutables pancartes “Pour Exposition Seulement” des vitrines de Rolex et Patek Philippe alors que l’approvisionnement s’ajuste pour les modèles les plus prisés.
Cependant, une période prolongée de hausse de l’offre et de baisse de la demande, comme nous l’avons observé au Royaume-Uni de mai de l’année dernière à février de cette année, est préoccupante.
Cela indique une augmentation des stocks dans le circuit, ce qui exercera une pression à la baisse sur les prix.
Un autre ensemble de données, cette fois du Baromètre des Montres de Luxe aux États-Unis, montre comment l’inventaire moyen par magasin a augmenté de 10% en mars par rapport à l’année précédente. Ceci est passé d’une augmentation de 8% en janvier, chiffre déjà préoccupant. Source : Baromètre des Montres de Luxe pour mars 2024.
Cela n’a pas encore conduit à une baisse des prix moyens par montre vendue dans le commerce de détail, mais cela pourrait commencer à changer à moins que nous ne voyions une réaction.
Les marques et les détaillants sont confrontés à un dilemme. Maintenir les machines CNC en marche à la vitesse de 2023 et espérer que la demande pour la même quantité de montres puisse être stimulée grâce à de grandes techniques de vente et de marketing, ou réduire la production au point que l’offre rencontre la demande, ce qui maintiendra une base solide sous les prix.
L’endroit où se situent les marques sur cette échelle est une question cruciale, mais je présume que seules quelques marques comme Rolex, Patek Philippe, Audemars Piguet, Richard Mille et Cartier connaîtront une baisse de ventes de quelques pourcents. Tous les autres enregistreront une baisse à deux chiffres.
Les fabricants suisses commencent enfin à montrer qu’ils ont pris la mesure de ce problème, avec une diminution de 16,1 % des exportations dans le monde le mois dernier par rapport à mars 2023. Les exportations vers le Royaume-Uni ont baissé de 13,2 %, une correction saine après près d’un an de surapprovisionnement.
Les exportations vers les États-Unis ont chuté de 6,5 % alors que l’économie ralentit.
Une chute spectaculaire des exportations vers la Chine et Hong Kong est une correction importante et pourrait nous protéger d’un afflux de montres sur le marché gris en provenance, disons, d’une partie du monde moins transparente.
De manière intéressante, les nouvelles économiques s’améliorent, nous pourrions donc approcher le début d’un cycle plus positif, mais les fabricants ne devraient pas tabler sur un rebond cette année civile. En ce moment, l’industrie doit se concentrer sur la stimulation de la demande et la gestion intelligente de l’approvisionnement. Nous ne pouvons pas nous permettre de laisser l’offre dépasser la demande pendant longtemps.
Il est temps de faire attention au déséquilibre.
